Sainte-Anne-sur-Gervonde en 2003

Aux croisées de nombreux chemins, nous voyons, de nos jours, des croix de pierre ou de bois, délaissées pour la plupart. En ce temps là, elles étaient entretenues et vénérées, généralement élevées en témoignage de reconnaissance pour une guérison obtenue par l'intercession de la Vierge ou d'un Saint.

Au mois de mai avait lieu la bénédiction de ces croix, au cours de la semaine des rogations...
Ce matin là, la croix de notre hameau était parée d'une couronne de fleurs, et nous attendions tous l'arrivée du curé du village. On l'entendait venir de loin, accompagné des "Saintes Femmes". Il s'agissait des enfants de Marie, et des vieilles demoiselles restées célibataires, du fait de la guerre de 1914, sans doute.


Elles accompagnaient le curé, répondaient à ses prières et chantaient des cantiques, tout en cheminant pour aller d'une croix à l'autre, de hameau en hameau. Les enfants de choeur étaient là aussi en soutanes rouges et surplis blancs, portant le seau d'eau bénite et le goupillon.

Quand le petit cortège arrivait, chacun se découvrait pour la prière et la bénédiction; après quoi, nous prenions la procession en marche, nous les écoliers et allions de croix en croix, pour la même opération dans les hameaux voisins...

C'est toujours en mai, à l'occasion des rogations qu'avait lieu la bénédiction des petites croix de bois pour la protection des récoltes.
Notre père faisait lui-même ces petites croix, avec des branches de noisetiers qu'il épluchait soigneusement. Mises en paquets de cinq ou six, ces croix étaient bénies un dimanche matin, à l'occasion de l'office. Après quoi, à notre retour, nous allions les planter dans chacun des champs de notre modeste propriété et nous en gardions une que nous jetions sur le toit de la maison pour la protéger de la foudre.

Bruno Armanet _ "Mes songes des nuits d'automne" (Ed. La Pensée Universelle).

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