23 octobre 2007, Henri Verrier (21ème RI)
 

Le 20 octobre, mon bataillon est installé dans les carrières de Sancy, les creutes, comme on dit dans le pays. Nous ne sommes plus qu'à 2 kilomètres des lignes qui passent entre la ferme Mennejean et la ferme Vaurains. Dans l'immense salle que forme la creute, presque tous mes camarades, étendus pêle-mêle, dorment, le fusil à portée de la main...

_ Debout la d'dans ! sac au dos !
Nous sortons de la carrière en colonne par un et traversons les ruines de Sancy. Nous voici bientôt dans un boyau interminable où nous nous égarons. Une pluie fine tombe...
_ L'heure H est 5h. 15 ! Encore une minute... En avant !
Nous bondissons de la tranchée... La nuit est épaisse et les mitrailleuses boches tirent furieusement ! Les balles sifflent. Lorsqu'elles passent proches on dirait des coups de fouet secs qui claquent aux oreilles...

Voici la 1ère ligne boche... Pas un être vivant !... Le vaste plateau qui s'étend devant nous est criblé d'entonnoirs énormes... Le vacarme est épouvantable : on n'entend même plus siffler les balles... A mes côtés un tirailleur sénégalais, frappé au front, tourne sur lui-même en agitant les bras et tombe lourdement... J'arrive enfin dans une tranchée moins démolie que les autres : est-ce la tranchée du Lézard ou celle de la Loutre ? Les officiers crient : "Halte !" L'objectif du 2e bataillon est donc atteint...

Mais quel est cet assourdissant bruit de moteur ? Je me retourne : c'est un de ces chars d'assaut dont nous avons tous entendu parler, curieuse caisse blindée armée d'un 75 et de mitrailleuses et se mouvant sur une chaîne munie de larges plaques de fer qui viennent prendre successivement appui sur le sol. Tout le long de la ligne on voit plusieurs de ces machines disposées en tirailleurs à cent mètres d'intervalle environ. Elles avancent lourdement et contournent avec précaution les gros trous d'obus dans lesquels quelques-unes culbutent cependant... Des balles sifflent... Un char d'assaut, à côté de nous, envoie quelques obus sur les tireurs qui nous gênent...

A notre gauche, voici Vaudesson ! Ce n'est plus qu'un amas de gros cailloux blanchâtres... Nous continuons notre marche en avant... A gauche est la forêt de Pinon : nous avons atteint notre objectif.



Les creutes: un abri en attendant l'assaut
Un réseau inextricable de tranchées
Fort de la Malmaison ruiné
St-Chamond à l'attaque
Les villages ne sont plus que ruines
Extrait de "La Guerre par les combattants" (Paul Ginisty)

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