Lundi 16 avril (le cas
du sous-lieutenant Navarre)
Le capitaine Bouchardon a commencé
l'audition des témoins. Il a entendu
samedi plusieurs amis de l'aviateur. Ceux-ci
ont été unanimes dans leurs
déclarations : _ " Il faut, ont-ils dit,
considérer le sous-lieutenant Navarre
comme un malade. Très affecté par
la mort tragique de son frère jumeau,
tombé en octobre dernier, au champ
d'aviation d'Issy-les-Moulineaux, d'une hauteur
de 3000 mètres, il se montra depuis,
très surexcité. Il était
visiblement en proie à des crises de
neurasthénie profonde. Il fur
également blessé d'une balle qui
lui traversa le poumon. Ce serait donc dans son
état de santé qu'il faudrait
rechercher les mobiles de ses extravagances
répétées. "
Une nouvelle arrestation. Un deuxième
compagnon de l'aviateur Navarre a
été arrêté samedi,
dans un hôtel de la rue de la
Goutte-d'or. C'est un nommé André
Emile Gobron, 22 ans, charpentier,
blessé de guerre et
réformé n°1. Il fut
invité par Navarre à prendre
place dans sa voiture au moment où il
sortait, accompagné de Maillet, d'un
hôtel meublé. Gobron a
été mis à la disposition
du juge d'instruction.
Mardi 17 avril
(arrestation de Navarre)
Navarre a été
arrêté hier et a été
écroué au Cherche-Midi. Une
troisième arrestation a
été opérée dimanche
à midi : celle du soldat
Théophile Regnier qui accompagnait
Navarre lors de son équipée.
Regnier habitait chez son père qui est
professeur de jiu-jitsu, 193 bd. Pereire.
Théophile Regnier qui est né le 6
août 1892 à Vances est un boxeur
très connu dans les milieux sportifs
sous le nom de Louis de Ponthieu. En 1914, il
battit Joe Starmer et devint champion d'Europe
des poids plumes. Théophile Regnier qui
est actuellement mobilisé comme
infirmier à la 22ème section a
reconnu les faits. Il se trouvait sur le
siège de l'automobile et c'est à
lui que l'agent Testa arracha le képi.
Il a avoué avoir participé, en
compagnie de Navarre, à une rixe qui eut
lieu le 20 janvier, à la porte d'un
restaurant de la rue Caumartin.
Théophile Regnier a
déclaré en outre s'être
rendu à Issy-les-Moulineaux dans la
matinée qui suivit son
équipée nocturne, pour retrouver
Navarre qui avait l'intention de repartir en
avion sur le front. Mais, a-t-il ajouté,
le vent était trop fort et Navarre dut
renoncer à partir.
Mercredi 18 avril
(l'arrestation de Navarre)
[…] L'officier aviateur répondit
qu'il regrettait son acte et que le soir il
était très surexcité
à la suite de libations nombreuses et
n'avait pas toute sa raison. _ " Je n'avais
nullement l'intention de blesser les gardiens
de la Paix. Je voulais simplement me livrer
à des exercices périlleux
d'automobile dans la pensée aussi
peut-être d'étonner mes compagnons
dont j'avais fait la connaissance ce soir
là. "
Dimanche 29 avril
(l'arrestation de Navarre)
Audition du sous-lieutenant aviateur G... qui
fut soigné à l'hôpital de
Sainte Menehould en même temps que
l'aviateur Navarre. _ " Navarre, dit-il, avait
de fréquentes et longues absences de
mémoire. Il lui arrivait même
d'oublier qu'il avait été
blessé. " […]
Navarre sera finalement déclaré
irresponsable mais ne retournera plus en
escadrille et sa réputation sera
malheureusement ternie à cause des ses
nombreuses incartades.
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